Archives de décembre, 2013

Le Marathon du Mt Aspiring

Publié: 27/12/2013 dans Otago Region

Dans cette interview exclusive, Fabien, à présent surnommé localement « le marathonien du Mt Aspiring », accepte de répondre à nos questions.

Alors Fabien, ce dernier mois était plutôt intense pour toi, non?

Oui effectivement! J’ai enchaîné 4 trips pour le compte d’Aspiring Guides, la compagnie pour laquelle j’avais déjà un peu travaillé cet hiver. Le truc c’est que le stage pour l’ascension du Mt Aspiring dure minimum 5 jours histoire d’augmenter les chances d’avoir un créneau de beau temps pour tenter le sommet. On est bien content quand ça dure que 3 jours, mais ça m’est arrivé qu’une fois… sinon tu restes bloqué là-haut à regarder la pluie tomber depuis le refuge.

La compagnie t’a filé du boulot assez facilement alors ?

Ils sont même super contents d’avoir des guides qui peuvent jouer les renforts, même si ça ne dure qu’un mois! Ça a l’air de tourner plutôt fort leur affaire, et les guides UIAGM (diplôme reconnu à l’international) ne sont pas monnaie courante par ici : y’a qu’une quarantaine de guides néo-zélandais au total, et au bureau y’en a qu’un seul (Tony, le locataire de la yourte), donc faut bien des guides étrangers : anglais, français, italien, péruvien… Ça a surtout été difficile de leur faire comprendre que je ne voulais pas travailler plus!

En résumé, comment se sont passées ces différentes courses ?

La première j’étais avec Whitney (le guide chef) avec chacun un client, un couple de jeunes allemands bien affutés. On est resté coincé 2 jours à quasi pas pouvoir sortir de la hut tellement il pleuvait des sauts. La météo s’est finalement améliorée, le temps de faire le sommet et de redescendre le lendemain par Behven Col : c’est une grosse journée, et la chaleur était vraiment étouffante, j’ai fini par marcher pied nu et en caleçon, de toute façon on était dans des pâturages !

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Le second trip c’était mon « expé chinoise »: mon client était malais (un jeune de Singapour) et l’autre guide, Tim avait deux jeunes chinois. On n’a pas pu faire le sommet car les clients n’étaient pas assez en forme mais le stage était quand même sympa. Et puis Nathalie est montée me rejoindre avec Jérôme et Vanessa à French Ridge hut pour le dernier soir, c’était bien top !

Ensuite on a fait un trip avec trois clients de Tasmanie, et Tony et Simon étaient avec moi pour guider. Le temps a été idéal et on était de retour en trois jours : faut dire que les clients ont préféré reprendre l’hélico pour la descente, et je l’avoue, j’en était bien content quand je pense à la monstre bartasse que ça m’a épargné ! Ce coup-ci on a bivouaqué au pied de l’arête, ce qui vous économise deux heures de traversée du glacier avant d’entamer vraiment l’ascension. C’était la canicule là-haut : on s’isolait dans les tentes en mettant les duvets sur le toit, impossible de rester dehors en plein caniard.

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Enfin, le quatrième stage ne m’a pas conduit au sommet, la météo était vraiment galère. Après avoir repoussé deux fois le départ car l’hélico ne pouvait pas décoller à cause du temps (on se fait à chaque fois déposer au col, à 1h30 de Colin Todd hut), on a pu s’envoler et profiter de la journée pour faire un petit sommet, le Mt Behven, avant de passer une journée enfermé dans la hut. Les jours qui ont suivi n’étaient pas mieux, on a donc fini par redescendre à pied, en deux jours car mon client était vraiment fatigué. La descente était bien épique, il a plu des seaux d’eau et on a du traverser une rivière en crue: Aritza, le guide péruvien qui était avec moi, est passé premier pour qu’on tende une tironienne pour aider nos deux clients à traverser. Le mien a quand même mis la tête sous l’eau alors que je l’aidais à traverser… Mais ils étaient super contents au final, c’était la bonne aventure. Et comme dirait Aritza: « En NZ, c’est comme dans le Seigneur des Anneaux, tu sais jamais ce qu’il peut arriver ».

D’un point de vue professionnel, tu as donc travaillé avec d’autres guides, sans doute avaient-ils des pratiques un peu différentes des tiennes ?

En utilisant le passage par la rampe de neige pour monter jusqu’au sommet du Mt Aspiring, j’ai pu apprendre des techniques que j’avais jamais utilisé, avec des pieux à neige pour tirer des longueur. On fait rarement ça chez nous car y’a pas autant de neige qu’ici en alpi estival. Mais bon, je préfère nos sommets qui offrent des courses moins enneigées et plus rocheuses, et aussi plus technique et sans hélico ! Ici t’as le choix entre le Mt Aspiring et le Mt Cook… c’est presque tout ce qu’il vende aux clients comme course d’alpi en été.

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Pour finir, deux trois choses que tu garderas en mémoire.

Le métier de guide ici est vraiment différent de celui qu’on exerce dans les Alpes, beaucoup plus fatiguant : tu t’occupes de tes clients quasi 24/24, tu fais ton menu puis les courses avant le trip, tu remplis pas mal de paperasses avant et près, tu fais à manger, tu passes beaucoup de temps avec ton client (surtout quand tu restes bloqué à la hut par le mauvais temps pendant 3 jours!), en bref c’est plus fatiguant. Dès que tu veux sortir en montagne, c’est tout de suite la mission ou presque, c’est nettement plus élitiste que par chez nous même si les sommets ne sont pas forcément très dur techniquement. En tout cas, je suis bien content de cette expérience !

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Ceux qui aiment les Ecrins doivent réaliser qu’ici le mot « bartasse » prend tout son sens. Pour les non initiés, je parle de la marche en montagne (pour l’approche ou la course dans son intégralité), souvent longue et pénible surtout quand le sac à dos est chargé.

Bref, les grandes « bambées » c’est la BASE!! Donc si vous êtes amateurs d’alpi, autant dire qu’il faut aussi que vous soyez un fervent marcheur, que vous aimiez porter des sacs de 25kg sur plusieurs jours, que vous sachiez traverser des rivières en crue et que vous ayez des solides compétences de secourisme… je commence à comprendre pourquoi y’a si peu de pratiquants ici, et je comprends enfin ce que signifie le fameux « style alpin », léger et rapide… l’inverse de ce qui se pratique communément en NZ !!
On l’avait déjà compris cet hiver et le constat reste le même pour la pratique estivale de la montagne: très peu de route d’accès dans les vallées et les routes existantes ne vont jamais dans le fond de vallée, et pas de téléphérique bien sur. Deux options s’offrent donc à vous : bartasser (encore faut-il avoir le physique pour) ou prendre l’hélico.
J’allais presque oublié de mentionner le fait que les refuges ne sont pas gardés: des gens du DOC (Department Of Conservation) occupent certaines hut mais ne sont pas là pour vous préparer à manger. En plus du matos de montagne (déjà bien assez lourd!), il faut porter votre bouff, réchaud, duvet…

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Avec Jérôme et Vaness’ qui m’ont rejoint pour quelques jours à Wanaka, on a testé la marche d’approche jusqu’à French Ridge Hut histoire de retrouver Fab et ses clients le temps d’une soirée là-haut, avant de redescendre tous ensemble le lendemain. Vraiment chouette, mais vraiment long!
Après 1 h de route non goudronnée on atteint enfin le parking, puis c’est parti pour 2 h de marche dans les pâturages jusqu’à Aspiring hut. Vous êtes encore sacrément loin du fond de vallée mais vous en avez déjà marre de marcher sur du plat parmi les moutons et les vaches sous un soleil de plomb… Presque 2 h plus tard vous êtes toujours à la même altitude, les paysages changent enfin, les sommets enneigés se rapprochent un peu. Bien échauffés, vous êtes d’attaque pour l’ascension directe vers la hut : 2-3 h de marche « droit dans le pentu » à travers la forêt, les racines des arbres servent de marche et vos mains ont quitté vos poches pour vous aider dans les crux.
Fab est venu à notre rencontre et l’on finit avec lui la remontée à travers la steppe de tussoks. La vue de la hut se fait attendre, Vaness’ et moi commençons à tirer la langue même si l’on sait qu’on n’est sûrement plus très loin… De là-haut la vue est superbe ! Les kéas sont au rendez-vous, et la hut est bien aménagée. On retrouve le reste du groupe, rebaptisé « l’expédition chinoise » : le client de Fab (originaire de Singapour), Tim (guide originaire du Royaume-Unis) et ses deux clients (originaires d’Hong-Kong).

La descente se fait de bonne heure le lendemain, une perturbation est prévue pour le début d’aprem’. La section raide prend du temps, leurs sacs sont sacrément plus lourds que les nôtres. Jérôme qui adore marcher (un vrai guide des Ecrins celui-là) trouve un bon prétexte pour remonter les 2/3 de la forêt presque jusqu’au refuge, il a oublié l’appareil photo en chemin ! Sauf à courir, on aurait pu difficilement mettre moins longtemps sur ce satané plat, la perturbation nous rattrape mais on a au moins le vent dans le dos 🙂

Pour conclure, on pourrait dire que les paysages sont magnifiques mais que le tracé de la rando est « pénible » (merci de noter l’euphémisme) ! Et surtout, pour atteindre le Mt Aspiring la bartasse est loin d’être terminée: prenez encore une petite journée (traversée de glacier) pour atteindre Colin Todd hut d’où vous partez pour l’ascension (comptez 10-12 h A-R). Vous pourrez ensuite préférez l’itinéraire le plus directe qui vous fait redescendre au parking en environ 12h (rando glaciaire, rappels et désescalade puis bartasse plate pendant environ 6h)… à moins que vous optiez pour l’option hélico qui vous récupèrera à 1h30 de marche seulement de Colin Todd hut ? Bien courageux ces chinois, non 😉

Retour à Wanaka

Publié: 12/12/2013 dans Otago Region

Depuis mi-novembre on est de retour à notre camp de base, Wanaka, en mode squat sur le terrain de Whitney. Contrairement à cet hiver, on a des voisins: Freddy l’italien (alias « womanizer« , c’est-à-dire Don Juan) occupe la caravane qui tient toujours debout, et en bas du terrain, Tony a retrouvé sa yourte estivale. Tony est le seul véritable kiwi du bureau des guides et est fidèle à l’état d’esprit des gens d’ici, bien décontracté! On retrouve aussi quelques amis, toujours du monde de motivé pour aller grimper 🙂

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L’époque des barbecues s’annonce bien, et l’on est bien content de se servir enfin de notre super mini barbecue portatif qu’on s’est trimballé tout l’hiver… Nico l’argentin, Jane et Jess et aussi Arnaud, Cristina et Tom de Queenstown, et bien d’autres viennent peupler les falaises de Wanaka. On n’est plus tout seul et c’est bien cool de reprendre du niveau 😉

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Sinon le quotidien déroule parfaitement. Avant que Fab n’entame son marathon du Mont Aspiring, Whitney organise un petit entrainement de traversée de rivière pour les guides et accompagnateurs volontaires. Ici c’est vraiment monnaie courante, surtout pour les accompagnateurs, alors autant être entraîné! Il fait super chaud et c’est bien sympa de se rafraîchir dans la Clutha river, jusqu’à ce que je me torde la cheville dans le lit du courant alors qu’on tentait une autre technique pour réussir à traverser 😦 Rien de trop grave, une semaine de repos et je suis remise. Pour Fab c’est parti pour ses 4 trips successifs qui l’occupent pendant un mois jusqu’à la mi-décembre. Les quelques journées de pause par-ci par-là sont bienvenues!

Au pied du Mont Cook

Publié: 04/12/2013 dans Canterbury Region

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Notre prochaine étape fait également partie des incontournables de l’île du Sud… le fameux Mont Cook! On traverse donc les plaines arides du Mackenzie district jusqu’à atteindre les rives du lac Pukaki. De l’autre côté du lac, à plus de 60 km, le sommet le plus élevé de la Nouvelle-Zélande culmine à 3754 m et en impose déjà !

La route en cul de sac qui mène à Mt Cook Village remonte cet immense lac turquoise (ça nous fait penser au lac Tahoe américain) pour arriver au fond d’une vallée glaciaire très large. Excepté ce qu’on a appelé ici « village » – qui ne ressemble en rien à un véritable village -, les paysages sont impressionnants: des montagnes effilées enneigées, des glaciers suspendus aux parois abruptes, d’énormes glaciers (Tasman, Mueller, Hooker) entourés de murs de moraines, et bien sur le Mont Cook dans toute sa splendeur! Des glaciers gigantesques si bas en altitude, cela rappelle à Fab la Patagonie.

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On pique-nique au pied du Tasman Glacier, ou plutôt sur le bord de son lac glaciaire (qui n’existait pas en 1990!!! ici aussi les glaciers fondent) les pieds dans une petite piscine d’eau turquoise. Fab en profite pour faire trempette avant une courte ballade le long des trois petits lacs émeraude. Le centre d’information vaut aussi le détour pour comprendre l’évolution des glaciers et se familiariser avec l’histoire de l’alpinisme kiwi. Sir Edmund Hillary a aussi sa statue au pied de l’Hermitage (auberge historique, aujourd’hui transformée en complexe hôtelier moderne pour accueillir les cars de touristes asiatiques…), c’est là que le fameux alpiniste néo-zélandais a fait ses armes avant son ascension glorieuse de l’Everest. Et oui, le Mont Cook – également nommé Aoraki par les Maoris – ne culmine qu’à 3754 m mais n’est pas moins réputé pour être un sommet difficile et engagé: conditions météo (très souvent) exécrables et des murs de séracs qui surplombent votre itinéraire pendant plusieurs heures 😦 Bref, à côté, notre Mont Blanc ferait presque pâle figure…

En fin de journée on monte en 1h au sommet d’une colline surplombant le village, face au Mont Cook: le soleil couchant est superbe et l’on est seul à admirer ce panorama grandiose 😉

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